Avis du CCNE du 25 septembre 2018: est-il réellement favorable à la PMA Solo ?

Le deuxième avis du CCNE tant attendu a enfin été rendu hier, le 25 septembre 2018.

Ce deuxième avis a été pris après une grande consultation citoyenne.

En le lisant, on remarque en effet que les associations et les experts ont été consultés.

Cependant, comme l’a relevé le collectif BAMP sur Twitter, ce nouvel avis n’est pas satisfaisant.

Il ménage pour moi la chèvre et le chou, un consensus “mou” se dégage de cet avis.

Sur l’ouverture de la PMA aux femmes seules, on peut se réjouir que le CCNE reconnaisse que les études qui s’accordent à souligner la plus grande vulnérabilité des familles monoparentales relèvent, pour la plupart, des femmes avec enfant “devenues seules“. “Mais que le statut des familles monoparentales par choix  d’une procréation par une femme seule pourrait se révéler bien différent des situations de familles monoparentales actuelles.

Cependant, en lisant plus en avant l’avis, on peut vivement déplorer que le CCNE souhaitent procéder à une inégalité de traitement en imposant aux femmes seules des dispositions d’accompagnement et SURTOUT le CCNE souhaite des mesures d’accompagnement “qui pourraient s’inspirer de celles qui s’appliquent au cadre de l’adoption plénière.”

Il est donc proposé “en catimini”, “bien noyé et caché” de soumettre les demandes des femmes seules à une procédure d’agrément.

Qu’est-ce l’accompagnement dans le cadre de l’adoption plénière ou plutôt qu’exige les juges pour prononcer une adoption plénière ?

Certainement pas un accompagnement facultatif mais un agrément qui est un “parcours du combattant” pour les couples qui souhaitent adopter.

Obtenir un agrément signifie s’engager dans une procédure longue et complexe (schéma copié sur service public: Adoption comment faire une demande d’agrément):

Illustration 1

Le CCNE a glissé d’une manière astucieuse une restriction à l’accès à la PMA aux femmes seules en suggérant au législateur d’introduire une condition d’agrément pour accéder à la PMA.

Cette exigence est contraire au principe d’égalité de traitement, les femmes seules vont être moins bien traitées que les couples de femmes qui n’auront pas à justifier de cet agrément pour accéder à la PMA.

Il convient de ne pas applaudir cet avis qui est par ailleurs extrêmement mal rédigé, certainement volontairement.

Cette partie sur l’accompagnement des femmes seules est volontairement peu rigoureux à mon avis pour cacher le loup. L’agrément n’est pas un accompagnement mais une condition pour pouvoir adopter !

Le Comité utilise le terme d’accompagnement qui a été proposé par maman en solo mais le détourne.

Je ne suis pas certaine d’ailleurs, qu’il était judicieux de la part des associations de femmes seules, à ce stade, de parler de l’accompagnement des mamans solos, c’était en quelque sorte reconnaître que les mères célibataires par choix seraient vulnérables, ce qui n’est absolument pas établi.

En conclusion, le diable se cache dans les détails, et ce mot accompagnement est le diable qui pourrait empêcher aux femmes seules d’accéder à la PMA ou du moins qui ne permettra pas l’accès à toutes les femmes à cette PMA.

Les femmes risquent de se décourager face à ce parcours administratif, long et éprouvant.

Celles qui n’auront pas les moyens, abandonneront peut-être leur projet, les autres iront à l’étranger.

Les riches pourront devenir mères, les autres , les “pauvres” devront en faire le deuil.

La question du remboursement par la sécurité sociale de ces PMA pour toutes est évoqué mais le CCNE, courageux comme un âne qui recule, renvoie la balle au législateur.


Les femmes qui feront une PMA Solo ne sont pas “vulnérables” comme le prétend le CCNE.

Le CCNE ( Comité National Consultatif d’Ethique) a rendu un avis, il y a un an, sur les demandes sociétales du recours à l’AMP. Avis du 15 juin 2017 n° 126.

Ce Comité s’est prononcé favorablement à une extension de la PMA pour toutes mais a émis une réserve pour les femmes seules indiquant que la plupart des études souligneraient la plus grande vulnérabilité des familles monoparentales.

Si cette plus grande vulnérabilité n’est pas contestable, le CCNE a tort de stigmatiser les femmes seules qui souhaitent avoir recours à la PMA et d’affirmer qu’elles constitueront des futures familles monoparentales d’une grande vulnérabilité.

En effet, le CCNE méconnait le “profil” des femmes qui ont eu recours à la PMA à l’étranger et qui auront recours à la PMA en France.

Une étude très intéressante a été publiée et mérite qu’on s’y intéresse, que peut-être le CCNE s’y intéresse.

Cette étude est celle de Madame Virginie Rozée Gomez, chercheure à l’INED (Institut national d’études démographiques) en accès libre sur le site journal open edit, extrait de la revue TERRAIN. 

Il ressort de cette étude datant de 2013:

  • que les femmes qui ont eu recours à l’AMP à l’étranger sont nées entre 1960 et 1970
  • ces femmes sont principalement “urbaines”, vivent principalement à Paris
  • ces femmes seules ayant eu recours à la PMA à l’étranger appartiennent à la classe “moyenne supérieure” de la Société française

Un tableau est inséré, indiquant les professions de ces femmes interrogées: 

tableau issu de l’étude de Madame Virginie Rozée Gomez 

Comme Madame Dominique Melh, Virginie Rozée Gomez analyse par la suite les raisons pour lesquelles ces femmes en viennent à choisir de faire un enfant seul.

Les mêmes conclusions pour les deux études: ces femmes ont pour la plupart repoussé leur projet de maternité car elles ont privilégié leur carrière mais surtout ont attendu de trouver l’homme idéal avec qui elles pourraient avoir un enfant.

Ne l’ayant pas trouvé et ne voulant pas faire un enfant dans le dos d’un homme, elles ont choisi de faire une PMA solo à l’étranger.

Cette étude révèle surtout que ces femmes ont un même profil qui n’est pas celui de la majorité des familles monoparentales en France.

Les femmes qui élèvent seules un enfant sont en effet vulnérables surtout économiquement, elles sont seules après un divorce ou une séparation et doivent tout assumer et se charger seules de l’éducation leurs enfants, sans l’avoir choisi.

L’observatoire des inégalités, en novembre 2017 avait relevé:  “Famille monoparentale rime souvent avec pauvreté. “

Une étude a été publiée également en 2008, étude démographique au niveau européen qui associe la vulnérabilité à la pauvreté et à la difficulté d’insertion professionnelle de ces femmes seules.

Cette étude a pour titre: les familles monoparentales, des familles comme les autres mais des parents vulnérables.

C’est certainement à ces études que le CCNE a pensé lorsqu’il a rédigé cet avis et qualifié ces familles de vulnérables.

Toutefois, je pense qu’il convient de réfléchir et de se demander: quelles seront les femmes qui auront recours à la PMA seules si celle-ci est ouverte en France et si cette dernière est prise en charge par l’assurance maladie ?

A mon avis, ce ne seront pas les jeunes filles issues d’un milieu défavorisé, ayant une faible insertion professionnelle qui penseront à se diriger vers ce type de procréation.

Il y en aura très certainement mais soyons honnêtes, la majorité des femmes qui souhaiteront faire seules un enfant et l’élever seules également, seront les mêmes que celles qui se sont déjà dirigées vers l’étranger: des femmes d’une classe sociale “moyenne supérieure” , très âgée en âge de fertilité ( entre 35 et 40 ans) et par définition peu vulnérables économiquement et psychologiquement.

En conclusion, le CCNE se trompe lorsqu’il émet cette réserve, les femmes seules qui auront recours à la PMA seules, ne seront pas des familles monoparentales vulnérables. 

PMA des femmes seules: une population invisible.

La Commission des affaires sociales a auditionné le 20 juin 2018 dans le cadre de la révision des lois bioéthiques des sociologues, une juriste (Maître de Conférence) , une philosophe et un psychanalyste.

Le thème était celui de “Procréation et Société”.

Les sociologues interrogées, Dominique Mehl et Irène Thery sont connues pour être des partisanes de la PMA pour toutes.

Elles étaient bien seules face au psychanalyste et à Madame Aude Mirkovic, Maître de Conférences en droit privé à l’Université d’Evry.

Sur l’audition de Madame Aude Mirkovic.

Cette Maître de Conférences en droit privé est opposée à la PMA pour toutes et fonde son opposition sur les droits de l’enfant.

Lors de cette audition, elle a invoqué l’article 7 de la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant prétendant que ce dernier s’opposerait à la légalisation de la PMA pour toutes car il exigerait des Etats et en l’occurrence de l’Etat Français de respecter le droit de l’enfant de connaître ses parents.

Elle a même prétendu que l’Etat Français se mettrait hors la loi en ne respectant pas ce texte international supérieur aux textes nationaux.

Elle a oublié deux petits mots en lisant l’article qui dispose:

1. L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux.

De plus elle a oublié également que cet article 7 qui est relatif au droit de connaître ses origines vise plus particulièrement les accouchements sous X. 

Madame Aude Mirkovic oublie aussi (décidément) que ces droits de l’enfant sont des droits subjectifs, le droit de l’enfant d’être élevé par ses deux parents ne signifie pas par exemple que les parents de l’enfant ne pourront pas divorcer, se séparer ou ne plus cohabiter.

Aussi, les arguments exposés étaient plutôt pauvres mais astucieux car ils pourraient convaincre des “non juristes”.

Il est dommage que seule cette voix “juridique” défavorable à la PMA pour toutes ait pu s’exprimer, espérons qu’elle n’ait pas été entendue.

Madame Laurence Brunet, juriste, spécialiste en droit de la famille, Chercheuse à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne n’a pas été auditionnée à ma connaissance, mais peut-être qu’elle le sera, il faut l’espérer !

Son audition équilibrerait les débats.

L’audition de Dominique Melh, sociologue, auteure de l’étude  Maternités solo.

C’est sans doute l’audition à retenir de ces plus de deux heures d’audition.

Madame Dominique Melh s’est exprimé sur les femmes seules qui ont eu recours à la PMA à l’étranger, sur ce qu’elle a appelé une population invisible qui s’exprime peu.

Elle n’a que très peu de visibilité publique, pour Madame Dominique Melh , ce sont les familles homoparentales qui sont sur la scène publique, l’accès à la PMA aux femmes seules étant proposé en codicille des femmes lesbiennes.

La sociologue  a qualifié ces femmes de mères solos qui sont entrées volontairement dans la monoparentalité pour des raisons sociales:

  • le retard de l’âge de la maternité que l’on soit seule ou pas, on fait de plus en plus tard un enfant.
  • En outre, il existe aussi des raisons attachées à leur propre conjugalité, les femmes seules qui décident d’avoir recours à la PMA à l’étranger ont souvent vécues les aléas de la conjugalité engagée et exigeante ainsi que la liberté conjugale.

Elle approche de la quarantaine et  n’ont pas d’enfants.

Comme elles ont une certaine estime de l’homme (cela a fait rire la salle), elle préfère être mère seule qu’être femme sans enfant. L’homme n’est pas effacé, il est toujours le bienvenu s’il se présente.

Ce qui les conduit à opter pour la PMA à l’étranger c’est le couperet de l’horloge biologique. 

Madame Dominique Melh précise ( et je suis d’accord avec elle) que c’est une cause fragile.

Les femmes seules qui ont fait un enfant seules ressentent de la culpabilité de priver leur enfant de père.

Elles ne sont pas une voix militante car elles ne sont pas organisées.

PMA Solo: l’avis du Conseil d’Etat.

La PMA (procréation médicalement assistée) est ouverte en France qu’aux couples. Elle est fermée aux femmes seules et aux couples de femmes.

Parmi les promesses de notre Président durant la campagne présidentielle figurait l’ouverture de la PMA à toutes les femmes: seules ou en couple avec une autre femme.

Une réflexion a été engagée dans le cadre des états généraux de la bioéthique.

Un site a été spécialement mis en ligne ainsi qu’une consultation nationale. 

Le rapport à la suite de cette consultation citoyenne a été publiée au mois de juin 2018: Rapport de synthèse, états généraux de la bioéthique.

Par ailleurs le Conseil d’Etat a donné son avis le 28 Juin 2018.

Sur l’accès à la PMA des femmes seules, vous pourrez lire les pages 47 et suivantes de l’étude: Révision des lois bioéthiques: quelles options pour demain.

Extraits:

Depuis la dernière loi bioéthique de 2011, le paysage sociologique et juridique a changé.

En ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, la loi du 17 mai 2013 a modifié la portée juridique et symbolique des unions de personnes de même sexe et, en autorisant un égal accès à l’adoption de tous les couples mariés, elle a normalisé la situation des familles qui en sont issues .

Des  couples  de  femmes  françaises  et  des  femmes  françaises  seules  ont  depuis longtemps recours aux techniques d’AMP, le plus souvent à l’insémination artificielle  avec donneur (IAD)  qui leur sont offertes dans les pays voisins, notamment la  Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas ou le Danemark.

Il est difficile de déterminer le  nombre  d’entre  elles  qui,  chaque  année,  s’engagent  dans  cette  démarche, les données disponibles étant éparses et non officielles.  L’avis du comité consultatif national d’éthique du 15 juin 2017 évoque de deux à trois mille femmes. 

En lisant ces premières lignes, on s’imagine que le Conseil d’Etat fondera son avis positif sur une nécessité d’évolution du droit, d’adaptation du droit à la Société et de la nécessité d’égal accès à la PMA… 

Son fondement est surprenant, voir consternant tellement il reste dans un consensus peu tranché.

Ce que dit le Conseil d’Etat sur l’accès à la PMA pour les femmes seules


Le Conseil d’État estime donc qu’en droit rien n’impose  au législateur d’ouvrir aux couples de femmes et aux femmes seules la possibilité d’accéder aux techniques d’AMP.

Symétriquement, il considère que rien n’impose de maintenir les conditions actuelles d’accès à l’AMP.

En effet, l’invocation fréquente du principe de précaution ou de l’intérêt de l’enfant ne constitue pas un élément décisif et appelle une réponse plus politique que juridique.

En conclusion l’avis du Conseil d’Etat n’est pas aussi positif que l’on pourrait le penser, il ne se dit pas favorable à la PMA pour toutes mais indique juste que rien ne s’oppose à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes et donc aux femmes seules. Il ne motive pas son avis juridique et “renvoie la balle aux politiques”.

Il faut continuer à être vigilantes, le combat est loin d’être gagné.